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Le Pérugin, maître de Raphaël

Le Pérugin, Portrait de Francesco delle Opere, 1494

Si l’histoire de l’art a fait de Léonard, Raphaël et Michel-Ange des génies absolus de la peinture, leurs maîtres ne jouissent plus aujourd’hui de la même renommée. Et pourtant, Verrocchio, Ghirlandaio et Pérugin méritent qu’on leur redonne une place majeure dans l’histoire de l’art.

C’est ce à quoi s’emploie l’exposition actuellement au musée Jacquemart-André en présentant une série d’œuvres du maître de Pérouse. L’objectif des conservateurs est de faire sortir Pietro Vannucci de l’ombre de son disciple. Originaire d’Ombrie, le jeune peintre commence sa carrière chez Bartolomeo Caporali puis passe chez Piero della Francesca. Sa formation le place au croisement des influences du gothique international et des nouvelles recherches humanistes. Il quitte sa province natale pour la Toscane où il parachève son éduction chez Andrea del Verrocchio ; il y rencontre Léonard, Botticelli, Lorenzo di Credi ou Filippino Lipi. C’est surement avec Botticelli qu’il développe son goût pour une ligne pure, élégante, et pour le raffinement de ses portraits. En 1472, il est porté sur le libro rosso de la Compagnie de Saint-Luc. Il est officiellement reconnu comme peintre à Florence. Ses premières œuvres florentines montrent un véritable talent pour le traitement des paysages, systématiquement idéalisés et idylliques, qui entourent ses portraits. L’espace ouvert créé par le bleu du fond engendre immédiatement un grand sentiment d’harmonie. L’autre caractéristique de la production artistique de Pérugin est la tendresse infinie qui se dégage de ses vierges à l’enfant. Raphaël n’oubliera pas cette leçon ! Reconnu comme un des plus grands artistes de son temps, le public recherche ses œuvres avec avidité et son atelier tourne à plein régime. Même le pape Sixte IV lui confie un des plus grands chantiers du moment, la décoration de la chapelle Sixtine, où il coordonne le travail de ses confrères florentins Botticelli, Cosimo Rosselli ou encore Ghirlandaio. De retour à Florence, il est au faîte de sa gloire. Ses deux ateliers, un à Pérouse, l’autre à Florence, doivent satisfaire une demande accrue motivée par sa réputation désormais internationale.

Peintre curieux des innovations, il fait feu de tout ce qu’il apprend. Formé à l’école de la ligne, il part à Venise où on réfléchit davantage sur la couleur et la lumière. Sa Marie-Madeleine, conservée à la Galleria Palatina de Florence, montre comment il réussit à faire la synthèse entre la ligne et la couleur, entre l’influence florentine et Venise. L’apogée de sa carrière se situe entre 1496 et 1507. Durant cette période, il réalise les fresques du Collegio del Cambio où le programme a été composé par l’humaniste de Francesco Maturanzio, qui mêle intelligemment vertus, sages et dieux antiques avec des scènes christiques. Il travaille aussi pour la marquise Isabelle d’Este qui lui commande une toile pour son studiolo.

L’intérêt principal de l’exposition est aussi de rendre à Pérugin son autonomie par rapport à son « élève », le génial Raphaël. Les conservateurs font observer avec justesse que son influence sur le maître d’Urbino se développe alors que la carrière de Santi s’est déjà envolée. C’est à Vasari, comme souvent, que l’on doit l’idée que Raphaël est le disciple de Pérugin. Mais à y regarder de plus près, est-ce bien juste ? C’est seulement vers 1504 / 1505 que Raphaël s’empare du style de Vannucci. Peut-on penser qu’un élève reste si longtemps imperméable au style de son maître et ne s’y ouvre que lorsque sa carrière est déjà lancée ? La réponse fournie par l’exposition est tout autre. Raphaël a saisi dès qu’il a eu connaissance des œuvres et du succès de son collègue, rqu’il pouvait beaucoup apprendre de lui. Sa manière et ses modèles plaisent à un public qu’ils convoitent tout deux. Il n’y a pas eu imitation, mais appropriation, Raphaël nouant un dialogue étroit avec les œuvres de son prédécesseur comme il a pu le faire avec celles de ses confrères Signorelli, Léonard, Michel-Ange ou Sebastiano del Piombo.

Par cette exposition, les commissaires de l’exposition arrivent à redonner sa place à un des maîtres de la peinture de la Renaissance. Virtuose du portait et de la peinture à l’huile, il donne à ses œuvres une force psychologique très élaborée. Tous ces éléments font dire à l’historien d’art Lionello Venturi, que Pérugin était à la fois « le plus traditionnel des peintres modernes » et « le plus moderne des peintres traditionnels ». Nous ne pouvons que souscrire à cette formule et inviter tous les lecteurs à se rendre boulevard Haussmann pour visiter cette superbe exposition.

« Le Pérugin, maître de Raphaël », Musée Jacquemart-André, 12 septembre 2014 – 19 janvier 2015.

Olivier Andurand, le 12/10/2014.

Les fureurs du volcan

Mitre de saint Janvier avec le Vésuve, composition pour l’affiche du Musée Maillol

Depuis quelques temps, le Vésuve est à l’honneur. Un film à gros budget s’est emparé de Pompéi ; le résultat n’est pas brillant. D’aucuns affirmeront que la vertu principale d’un film hollywoodien n’est pas d’être historiquement juste, mais seulement divertissant. Au moins, ce nouveau blockbuster remplit-il son office…

Dans un autre genre, bien plus sérieux et artistique, le musée Maillol consacre jusqu’au mois de juillet, une très belle exposition aux joyaux de Saint Janvier, le saint protecteur de Naples. En effet, la population est très attachée à la figure de cet évêque martyr du IVe siècle et l’a choisi, entre autres personnages, comme protecteur de la ville.

Janvier, ou Gennaro en italien, est évêque de Bénévent lors des persécutions anti-chrétiennes de Dioclétien. Sa légende raconte qu’après avoir guéri une parente paralytique, il lui remet les deux burettes qui lui avaient servi à célébrer la messe. Arrêté peu après par Timothée, il est condamné à mort. Sorti indemne du bûcher, il est ensuite conduit dans l’amphithéâtre de Pouzzoles pour être dévoré par les fauves. Mais les bêtes sauvages se couchent à ses pieds. Passablement énervé par ce nouveau contretemps, Timothée en perd la vue, mais Janvier la lui rend, faisant ainsi un nouveau miracle. Le résultat de ces événements est double : d’abord les trente-cinq mille spectateurs demandent le baptême au saint, mais surtout, au comble de l’agacement, Timothée fait décapiter Janvier et ses diacres. La parente miraculée du prélat prélève alors après sa mort du sang dont elle remplit les burettes que Janvier lui avait remises. Défiant toutes les lois de la nature, le sang de Janvier aurait la particularité de se liquéfier miraculeusement.

Le lien entre le saint et le Vésuve n’est pas bien clair, les Napolitains n’en implorent pas moins sa protection contre la grande épidémie de peste de 1497 et les tremblements si fréquents du volcan. Le corps de Janvier est enterré dans la cathédrale de Naples depuis 1497. La piété populaire est telle autour de la tombe qu’en 1527, les patrices napolitains décident l’érection de la fameuse chapelle du trésor, chef-d’œuvre absolu du baroque napolitain. Seulement, prudent, le peuple de Naples passe alors un contrat avec le saint : cette chapelle ne sortira de terre que si Janvier continue de couvrir la ville de sa protection contre les épidémies et les turbulences du volcan.

C’est l’histoire de ce lien particulier que raconte l’exposition du musée Maillol. Chaque souverain, des vice-rois espagnols aux Bourbons, s’est cru obligé de témoigner de sa piété envers le saint en offrant qui une croix, qui un ostensoir. Le cas le plus emblématique est celui de Joachim Murat, roi des Deux-Siciles, maréchal de France et beau-frère de Napoléon Ier. En 1808, il succède à son autre beau-frère, Joseph Bonaparte devenu roi d’Espagne, sur le trône de Naples. Immédiatement, cet ancien général de la Révolution décide de commander un superbe ostensoir d’or pour le trésor du saint. Une façon subtile de se faire accepter de ses nouveaux sujets et de manifester son respect pour les traditions ancestrales de la cité.

Les Napolitains ont compris qu’en matière de prévention des risques, à une époque où ni les sismographes ni les vulcanologues n’existent, mieux vaut jouir de protections multiples. Ainsi, saint Janvier n’est-il pas le seul à bénéficier du titre de patron de la ville : Jean-Baptiste, François d’Assise, François de Borgia, Patricia ou encore Thérèse d’Avila profitent-ils aussi de la dévotion du peuple. Ils sont conpatroni et forment la cour de saint Janvier. Ces protecteurs bénéficient de bustes reliquaires en argent massif dans la chapelle du trésor. Chefs-d’œuvre absolus de la statuaire et de l’orfèvrerie du XVIIe siècle, ils sont la preuve de la virtuosité des artistes autant que de la ferveur des Napolitains. Le travail de l’argent permet d’atteindre une grande précision dans le rendu des détails des expressions ou des vêtements. La grâce de l’archange Raphaël ou encore la fluidité du corps de Michel terrassant le dragon n’ont rien à envier aux plus élégantes statues hellénistiques.

Le clou de l’exposition est sans conteste la somptueuse mitre de la statue de procession de Janvier. Réalisée en 1713 par le maître orfèvre Matteo Treglia, elle est en argent doré et ne compte pas moins de 3326 diamants, 168 rubis, 198 grosses émeraudes de Colombie et 2 pierres extraordinaires le grand rubis de Ceylan baptisé Lave du Vésuve et le premier diamant en forme de goute à taille brillante de 58 facettes. Suivant la tradition du XVIIIe siècle, chaque pierre est dotée de qualités particulières : l’émeraude est la pierre du sacré, le rubis le sang des martyrs et le diamant symbolise la pureté de la foi. Sans entrer forcément dans la subtilité des références théologiques, le visiteur ne peut qu’être émerveillé devant la beauté de ces pierres. L’affiche composée par le musée présente cette mitre coiffant le Vésuve, celle-ci frappe par sa justesse et son à-propos. C’est le danger inhérent à la présence du volcan qui a développé à Naples, cette ferveur dans la dévotion à saint Janvier.

Non so si è vero, ma ci credo, je ne sais pas si c’est vrai, mais j’y crois, entend-on répéter dans le théâtre du sud de l’Italie. Cette croyance, superstition diront certains, a permis la constitution d’un des plus beaux ensembles de pièces d’orfèvrerie d’Italie et la permanence d’un rite qui se répète toujours trois fois l’an. En mai, septembre et décembre, la liquéfaction du sang de saint Janvier prouve aux Napolitains que leur patron respecte toujours sa part du contrat et qu’il veille sur cette ville unique en Europe.

« Le trésor de Naples. Les joyaux de San Gennaro », Musée Maillol, 19 mars - 20 juillet 2014.

Olivier Andurand, le 26/03/2014.

Pour une année brillant de mille feux

Diadème en platine et diamants, Cartier, 1914

En ces premiers jours de janvier, l’heure est aux bonnes résolutions, travailler avec sérieux, constance et application, écrire des éditos fréquemment, visiter toutes les expositions et lire tous les livres. Si quelques-unes resteront lettres mortes – n’est-ce pas le principe même de la bonne résolution de début d’année ? – il faut souhaiter que l’enrichissement culturel soit mis au centre de nos préoccupations.

Le mois de janvier 2014 voit s’achever les grandes rétrospectives de la rentrée. Le Printemps de la Renaissance au Louvre, Masculin / Masculin à Orsay n’en ont plus que pour quelques jours, tout comme la grande exposition Braque au Grand Palais. C’est pourtant vers le Salon d’Honneur de ce monument parisien qu’il faut tourner ses pas pour aller contempler les merveilles de la maison Cartier.

Après Van Cleef et Arpels l’année dernière, c’est donc un autre fleuron de la haute joaillerie française qui nous est présenté. Le propos des conservateurs est vraiment de faire une histoire du luxe à travers l’exemple de la société Cartier. Fondée en 1847 par Louis-François Cartier, cette grande maison de la rue de la Paix a compté parmi ses clients, des maharadjas indiens, des reines, des princesses ainsi qu’un très grand nombre de femmes de la haute société américaine. Dans une ambiance féérique, le visiteur parcourt cent cinquante ans de création.

Dès 1856, la princesse Mathilde, cousine de l’empereur Napoléon III, lance la marque, puis c’est au tour de l’impératrice Eugénie de venir se fournir chez Cartier. La splendeur des pièces exposées souligne bien que la maison entend être le « joailler des rois ». Parmi les joyaux présentés au début du parcours, plusieurs diadèmes montrent le talent des créateurs ainsi que les modes qui font changer la forme des parures. Du style Louis XVI, fin et délicat, aux tiares russes dites kokoshniks, le spectateur peut mesurer la grande variété des goûts des clients ; un seul point commun demeure cependant, la somptuosité et l’éclat des diamants. La recherche de la perfection conduit les membres de la maison Cartier à rechercher les pierres les plus exceptionnelles comme ce magnifique saphir de 478 carats acquis par le reine Marie de Roumanie.

L’intérêt de cette exposition ne réside pas seulement dans la présentation des extraordinaires bijoux sortis de la maison, mais aussi par l’explication détaillée de la réalisation des pièces. De l’esquisse générale présentant la forme désirée pour l’œuvre, on passe à un dessin très précis, à l’échelle, où chaque pierre est identifiée ; c’est à partir de ce dernier que sont choisies les gemmes ; ensuite vient le moment de créer l’armature, le plus souvent en platine, qui servira de support aux diamants et autres rubis. Enfin, une fois la pièce terminée, elle est reportée sur le livre de comptes avec le prix et le nom du client.

Louis Cartier, petit-fils du fondateur, est celui grâce auquel la société prend son envol. Il fait du 13 rue de la Paix, une boutique moderne où tout est mis en œuvre pour séduire la difficile clientèle des maisons de luxe. Grâce à sa collaboration avec Jeanne Toussaint, il fait de sa société une des principales marques de la grande joaillerie française, sachant concilier l’exigence de la tradition avec les goûts sans cesse renouvelés et toujours plus modernes de sa clientèle. En plus des bijoux, Cartier se lance dans la création des fameuses horloges mystères, où par un extraordinaire jeu de construction, les aiguilles semblent flotter en l’air. Jeanne Toussait fait aussi apparaître de nouveaux motifs, comme la célèbre panthère qui devient rapidement l’emblème de la marque.

Pour conclure cette exceptionnelle présentation, les conservateurs ont choisi de présenter quelques pièces des collections ayant appartenu à des femmes célèbres, à coté du diadème halo offert par le duc d’York, futur Georges VI, à sa femme et porté par ses filles, l’actuelle reine Élisabeth II, la princesse Margaret et beaucoup plus récemment par Katherine Middelton lors de son mariage avec le prince William. Puis viennent les écrins de Marjorie Meriweather Post avec deux bijoux fabuleux, une broche pendentif en diamants et cabochons d’émeraudes, et un collier composé de merveilleux saphirs. Ensuite, c’est la duchesse de Windsor, la sulfureuse Wallis Simpson, qui est mise à l’honneur. Cliente fidèle de la maison, elle acquiert de nombreuses broches aux motifs animaliers et contribue à faire émerger cette mode dans la maison parisienne. Enfin, c’est avec beaucoup de fierté qu’est présenté le portrait officiel de la princesse Grace de Monaco. L’ancienne actrice fétiche d’Alfred Hitchcock arbore plusieurs bijoux créés pour elle par Cartier : un collier en diamants, un ensemble de trois broches en rubis montées en diadèmes.

Si on a souvent tendance à négliger les arts décoratifs et la joaillerie en particulier au profit des grandes expositions « vraiment » artistiques de peinture ou de sculpture, il serait dommage de passer à coté de tant de splendeurs. Les artisans – artistes de la maison Cartier – restent anonymes mais leur talent est inégalé et contribue au rayonnement de l’art contemporain français.

Qu’il me soit donc permis de souhaiter à tous les lecteurs de ce site mes meilleurs vœux pour 2014 et qu’ils brillent cette nouvelle année de mille feux à l’image des merveilles de chez Cartier.

« Cartier : Le Style et l’Histoire », Grand Palais, Salon d'Honneur, 4 décembre 2013 - 16 février 2014.

Olivier Andurand, le 03/01/2014.

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