La période qui s’étend des années 1880 au milieu des années 1930, au programme du concours des ENS pour la session 2024, s’avère cruciale pour comprendre le phénomène de la mondialisation mais aussi, plus finement, l’articulation des différentes mondialisations – économique, démographique, politique et culturelle... – habituellement étudiées de manière cloisonnée. L’ouvrage n’a pas l’objectif de présenter une synthèse sur le sujet – il en existe déjà – mais de poser quelques jalons fondamentaux tout en soulignant la variété des entrées de ce programme. Les contributions, écrites par d’éminents spécialistes de la question, mettent ainsi l’accent sur les caractéristiques économiques des mondialisations mais offrent aussi des ouvertures sur d’autres formes d’intégration politiques, sociales et culturelles. Ce sont autant de sujets que l’on retrouve dans les programmes des lycées ou des Instituts d’études politiques et qui permettent, plus largement, une compréhension du monde contemporain. L’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) à l’origine de ce projet, souhaite ainsi mettre à disposition des lycéens, des étudiants et des enseignants des mises au point et des ouvertures sur des thèmes qui intéresseront aussi plus globalement tous les amateurs d’histoire.
Les articles présentés dans ce recueil s’inscrivent dans la dynamique du programme proposé aux concours d’entrée des ENS pour la session 2023. Ce programme fait la part belle à l’histoire populaire : cette histoire par le bas propose d’interroger les répertoires d’actions des contestations populaires qui secouent la France, des canuts en 1831 au « moment 68 », et d’éclairer une partie des réponses institutionnelles à ces mouvements protestataires. Il ne s’agit pas de se substituer à des travaux de synthèse mais plutôt de proposer divers éclairages thématiques, susceptibles de montrer la vitalité d’une histoire sociale pleine d’allant et dont les objets d’étude ne peuvent qu’entrer en résonance avec le monde contemporain. Cet ouvrage voulu par l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) a vocation à enrichir le regard des lycéens, des étudiants et des enseignants sur ces questions complexes et passionnantes, tout en espérant parler à celles et ceux que l’histoire ne laisse pas indifférents.
Les modérés sont-ils les oubliés de l’histoire ? Vertu morale, la modération n’est guère magnifiée comme principe politique et l’historiographie fait plus volontiers la part belle aux révoltés qu’aux pacificateurs, trop souvent suspects de faiblesse ou de compromission. Depuis les guerres de religion jusqu’aux nouveaux enjeux républicains, les occasions n’ont pourtant pas manqué aux théoriciens comme aux acteurs politiques d’inventer et de mettre en œuvre cette modération bien utile à la résolution des crises politiques et religieuses. Mais la modération relève-t-elle d’un choix délibéré et théorisé de tempérance ou de mesure, ou au contraire d’un art de se frayer un chemin pragmatique entre les extrêmes, dans un contexte marqué par de fortes oppositions ? La modération peut-elle être le choix des forts et pas seulement celui des sages ou des résignés ? À travers une vingtaine de contributions, cet ouvrage entend cerner cette notion, en traquant ce que des démarches, personnelles ou collectives, globales ou géographiquement localisées, durables ou éphémères, volontaires ou contraintes, peuvent présenter de commun. Cette mouvance, dont l’unité de pensée et d’action reste à prouver, met en débat les catégories traditionnellement utilisées de « tiers parti » ou de « troisième voie ». Peut-être les modérés sortiront-ils alors de cette zone grise dans laquelle les historiens les ont longtemps relégués.
Né au « siècle des saints », le mouvement port-royaliste se forge dans un moment où les questions sur la sainteté sont de plus en plus prégnantes. Dans un contexte de centralisation de l’Église autour de la papauté romaine et de prise en main de la fabrique des saints par l’autorité pontificale, les études rassemblées dans ce volume entendent interroger les rapports particuliers entre Port-Royal et la sainteté. Bons catholiques, les jansénistes n’en entretiennent pas moins des liens assez distants avec les conceptions romaines de la sainteté et les positions thomistes qui inspirent les décisions de la Sacrée Congrégation des Rites. Héritiers d’une théologie de l’élection divine, ils produisent des textes hagiographiques et des réflexions qui s’écartent souvent des règles prescrites par Rome et qui, pourtant, s’inscrivent pleinement dans le mouvement d’organisation et de contrôle voulus par le magistère pontifical. Tout comme les miracles, la sainteté et la canonisation spontanée est une réponse à la persécution dont les jansénistes se disent victimes. Pris dans les rets de la formalisation romaine, les soutiens de Port-Royal en viennent à développer leurs propres saints qui, sans avoir la sanction romaine, n’en sont pas moins considérés comme tels par les fidèles du monastère ou de son souvenir.
La trentaine d’études réunies dans ce volume entend témoigner de la richesse de l’œuvre de Monique Cottret, de l’importance des pistes qu’elle a ouvertes et de leur stimulante postérité intellectuelle. De l’Église primitive à la Bastille, des jansénismes au tyrannicide, sans oublier Rousseau – l’incontournable –, ses thèmes de prédilection sont liés à « l’histoire des mentalités », du politique et du religieux ; ce sont eux qui irriguent l’ouvrage. Geste d’amitié envers celle qui fut leur collègue et amie, les études s’inscrivent dans le temps long du Moyen Âge au XIXe siècle et rappellent l’artificialité de la coupure entre les époques. L’histoire, fondée sur l’échange et la transmission, est une discipline en pleine mutation qui se nourrit de l’apport des autres sciences humaines et sociales. Nouvelles sources, approches renouvelées, les contributions rassemblées proposent ainsi une réflexion croisée sur l’histoire, ses méthodes et ses pratiques.
Ce fut bien une grande affaire que la réception de la bulle Unigenitus, et s’attacher aux positions et réactions des évêques français en ces circonstances constitue un point de vue original qui s’intéresse à des personnalités maltraitées par l’historiographie traditionnelle. Consciencieux, rigoureux, ils sont bien loin de l’image d’un Dubois ou d’un Bernis. Ces prélats sont incontestablement de bons administrateurs en ce temps de troubles. Ils sont essentiellement rigoristes, gallicans et prudents pour la plupart, même si les Nouvelles ecclésiastiques viennent donner un relief particulier aux idées extrêmes de quelques-uns. Le jansénisme et la Bulle ne sont plus qu’un prétexte à une réflexion sur les rapports entre l’Église et l’État. Faut-il accepter la Constitution parce que le roi le veut ou la refuser pour protéger les libertés gallicanes mises en cause par Rome ? C’est tout le paradoxe d’un épisode riche d’ambiguïtés et de contradictions, aux enjeux théologico-politiques d’une terrible complexité. Ces pages invitent à une relecture de la grande querelle qui a bouleversé l’Église de France dans la première moitié du XVIIIe siècle. Elles se proposent de guider le lecteur dans les inextricables débats qui ont agité le clergé et la monarchie lors de la réception de la constitution de Clément XI ; puis d’aborder les conséquences pastorales de l’Unigenitus dans les diocèses et dans les ouvrages forgés par les curies épiscopales, des bréviaires aux missels en passant par les catéchismes.
On n’a souvent plus guère conscience, en ce début de XXIe siècle, de l’influence fondamentale qu’a pu exercer la bulle Unigenitus sur la société de l’Ancien Régime. Fulminée par le pape Clément XI, en septembre 1713 à la demande de Louis XIV, celle-ci était censée donner le coup de grâce à un jansénisme en déclin. Au-delà de la simple condamnation de l’ouvrage de Pasquier Quesnel, Le Nouveau Testament en Français, avec des réflexions morales..., ses implications, sur le fond comme sur la forme, étaient considérables. Les contemporains, partisans comme adversaires, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et ils ont pris fort rapidement la mesure des conséquences de ce texte, qu’il s’agisse de théologie, d’ecclésiologie ou même de pensée politique. Un siècle de passions, d’anathèmes et de déchirures s’en suivit. La bulle Unigenitus devint un thème central des débats de la scène française et, au-delà européenne. En cela, Louis XIV connut un terrible échec posthume.
Olivier Andurand, le 12/05/2024.